lundi 7 décembre 2009

Très haut débit rural : risques et opportunités

Document de Pierre Ygrié - Web du Gévaudan.

Très haut débit rural : Risques et Opportunités (National)

Des encouragements

-le grand emprunt où le numérique a finalement une place plus importante que prévu
-les déclarations gouvernementales, en particulier celles de NKM et de Michel Mercier qui a déclaré à plusieurs reprises faire du très haut débit la priorité de son ministère
-l’annonce attendue du président de la république mi décembre sur le sujet
-l’opportunité pour les ruraux de faire entendre leur voix à l’occasion des assises numériques pour tenter de « peser »sur le débat parlementaire en cours
-la nouvelle stratégie « fibre » de France Télécom annoncée récemment par Didier Lombard
mais qui mérite à tout le moins quelques développements ?

Deux grandes « inquiétudes »

1-Frilosité des parlementaires sur deux points à mes yeux essentiels

► la confusion entre services et technologies ; l’idée que tous les citoyens pourraient avoir accès aux mêmes services avec des technologies différentes est contraire à la réalité . Tout le monde sait aujourd’hui que la fibre a des capacités illimitées, contrairement à toutes les autres technologies (hertziennes,satellitaires...)
Tout le monde sait aujourd’hui que les deux réseaux de télécommunications de demain seront :
-un réseau principal, réseau fixe, en fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH ou Fiber To The Home)destiné à remplacer le réseau cuivre actuel
-un réseau complémentaire (hertzien, satellitaire...)pour nous apporter la « mobilité »
Comme nous l’avons toujours dit aux Webs du Gévaudan, les ruraux , peut-être encore plus que les citadins, auront besoin des deux réseaux, sauf à imaginer qu’ils n’auraient plus droit à un réseau fixe avec toutes les conséquences connues (moindre capacité) ou inconnues( pbs de pollutions électromagnétiques des réseaux mobiles ?). Même si l’objectif FTTH doit passer dans les territoires particulièrement isolés, par une étape intermédiaire, le FTTH rural (Fiber To The Hameau) nous devons affirmer haut et fort que nous avons droit à la boucle locale optique , y compris,dans un second temps pour les territoires les plus reculés à la « sous boucle » : liaison entre le sous répartiteur (dit aussi « armoire de quartier » de nos villages) et l’abonné.
►le (non) financement d’un fonds national de péréquation pour « fibrer » la zone 3 (la notre !) Il est dit,dans le rapport de Mme Laure de La Raudière (rapporteuse du projet de loi Pintat) « Les études disponibles évaluent le coût nécessaire pour combler le retard français et fibrer la majeure partie du territoire à 40 milliards d’euros. Il s’agit évidemment d’une somme énorme, et il faudra mobiliser toutes les sources de financement disponibles pour la couvrir » ce qui est bien , mais immédiatement après « Dans ce contexte, il paraît opportun d’attendre que des précisions soient apportées avant de décider des modalités de financement du fonds d’aménagement numérique », ce qui est moins bien ! La proposition de loi crée à l’article 4 un fonds d’aménagement numérique des territoires mais ne dit rien sur son financement ! Pourquoi attendre alors que c’est la principale demande des ruraux ? Pour les ruraux que nous sommes,le financement d’un fonds de péréquation devrait être au « cœur » de la proposition de loi !
Tout se passe comme si on n’avait pas voulu aborder les « questions qui fâchent »(cf ci-dessous)
L’environnement n’a jamais été aussi favorable pour le très haut débit mais pour couvrir les zones rurales en fibre optique, seul support garantissant les mêmes services partout, le grand emprunt n’est évidemment pas la panacée ! Au regard des 30 à 40 milliards nécessaires la couverture de la France en fibre optique nécessitera à l’évidence d’autres sources de financement ! Pour ce qui concerne les zones rurales , non « rentables » à court terme pour les opérateurs mais « rentables » à long terme à la France et aux Français, de plus en plus nombreux « en mal de campagne », ces financements ne pourront être prévus que par la loi ! Or la loi,en l’état actuelle,est étrangement muette sur ce sujet pourtant essentiel
2-Inquiétudes des collectivités locales

Les collectivités locales ; auxquelles on souhaite donner la responsabilité non seulement d’établir des schémas directeurs très haut débit sur leur territoire mais encore de les mettre en œuvre s’interrogent sur les véritables moyens de financement mis à leur disposition.
Le débat sur la suppression de la taxe professionnelle illustre s’il en était besoin leurs inquiétudes !


Des propositions :

Un Lozérien,Yves Rome (natif de Marvejols), actuellement président du conseil général du Val d’Oise et président de l’Avicca, vient de proposer de réunir les états généraux du très haut débit (http://www.degroupnews.com/actualite/n4231-tres_haut_debit-avicca-fibre_optique-deploiement-ftth.html) . En avant première de ces états généraux (s’ils ont lieu ?) les assises des territoires ruraux doivent être l’occasion de poser les « questions qui fâchent »: « la concurrence sur les infrastructures, qui oblige chaque opérateur à investir et donc rogne leur marge, a-t-elle encore un sens ? Les bénéfices de France Télécom dont le principal actionnaire reste l’Etat, ne seraient-ils pas mieux utilisés dans l’investissement sur la fibre que dans des dividendes aux actionnaires ? Pourquoi l’idée de taxe est-elle « tabou » ? Pourquoi n’y a –t-il pas eu jusqu’ici une réflexion de fond sur ce que pourraient apporter les territoire ruraux à la France alors que l’économie de la connaissance est la seule dont la « matière première »(l’information) est potentiellement disponible n’importe où ? Pourquoi ne pas reconnaître un droit égalitaire à l’information pour chaque citoyen ? Pourquoi la place « numérique » de chaque citoyen ne serait-elle pas identique quelle que soit sa place physique sur le territoire ? etc… »
Les assises des territoires ruraux sont une occasion inespérée de poser enfin quelques questions de bon sens et de s’interroger sur les besoins des citoyens dans un domaine qui impactera notre avenir dans tous les domaines à commencer par les domaines clés de la santé et de l’éducation.
Qu’attendent les citoyens ? un maximum de services, la possibilité de choisir entre les différents opérateurs et des prix attractifs sur tout le territoire. S’agissant d’un droit qui devrait être fondamental, le droit à l’information, l’égalité de traitement tant dans l’accès aux services que dans les prix doit être la règle.
Pour ce faire il faut deux conditions:
- une « tuyauterie Internet »de très haut débit identique sur l’ensemble du territoire
- une égalité d’accès des opérateurs de services à cette « tuyauterie » pour qu’ils puissent proposer les mêmes services partout.
La véritable concurrence que doit encourager le législateur est donc bien une concurrence sur les services aux consommateurs finaux et non une concurrence sur les infrastructures !
Pour aboutir à une égalité de traitement de tous les citoyens la question du FINANCEMENT du fonds numérique national est centrale. Comme ce FINANCEMENT dépend directement des réponses données aux « questions qui fâchent »il faut que les citoyens insistent auprès de leurs parlementaires pour que ces questions soient enfin posées ! Moyennant quoi on pourra alors dire que la loi, pour financer le « fibrage » du territoire français, pourra acter un COCKTAIL de MESURES dont les principaux ingrédients seraient : une taxe sur les opérateurs, une taxe sur les abonnements, le recours aux fonds européens et nationaux, le grand emprunt etc…FINANCER un FONDS de PEREQUATION , voilà le vrai problème d’actualité qu’il faut résoudre à l’occasion du débat parlementaire en cours !
Les assises des territoires ruraux n’auront de vrai résultat que si la dynamique qu’elles lancent est suivie prochainement du vote d’une loi actant un cadre règlementaire pour le développement et le financement du très haut débit sur l’ensemble du territoire français !
Pierre Ygrié
Webs du Gévaudan
24 nov 2009

Très haut débit rural : Risques et Opportunités (Local)

Des encouragements

-La préfecture de la Lozère, contrairement à d’autres départements, parait très impliquée dans les assises des territoires ruraux
-plusieurs initiatives intéressantes ont déjà été prises par le conseil général :PER télémédecine, maisons de l’emploi(visio guichets) etc...
-les grands décideurs du département (président du conseil général, parlementaires) militent pour une exemplarité du département en matière de développement durable et comme développement durable et très haut débit seront de plus en plus liés (cf notre contribution précédente) on peut espérer une relance de la proposition des Webs du Gévaudan de 2003 d’une Lozère laboratoire de très haut débit .Le prochain lancement du schéma directeur très haut débit peut être une opportunité pour annoncer une telle « intention » !
-la spécificité lozérienne (département symbole de la ruralité) commence à être bien médiatisée au national grâce à des initiatives publiques et associatives (présence des Webs du Gévaudan à des colloques nationaux)

Des « inquiétudes »

1-Difficultés culturelles pour nos élites locales à regarder la réalité numérique en face : la Lozère est sinistrée numériquement (cf notre dernière contribution)et ce n’est pas en se voilant la face qu’on résoudra le problème !
2-Mêmes difficultés pour les décideurs régionaux. Tous les élus de la région Languedoc Roussillon(droite et gauche réunis, ce qui est assez rare dans cette région !) se félicitent du plan régional LR et de l’accord passé avec France Télécom qui devrait permettre d’offrir à chaque citoyen en zone blanche (une partie significative du territoire lozérien !) du 2 mégas à échéance de 2011 ! C’est ignorer quelques connaissances élémentaires :
-dés aujourd’hui près de 90 % de la population françaises peut avoir accès à Internet avec un débit supérieur à 2 Mbps et ,dans certains départements, beaucoup plus: dans la Manche par exemple 170 foyers seulement sur 270000 ont une connexion inférieure à 2 mégas !

- le « 2 mégas » risque d’être du bas débit en 2012 ! En effet si l’on considère le développement exponentiel des contenus la circulation d’informations dans la « tuyauterie » Internet sera 5 fois supérieurr en 2012 qu’en 2008 !

3-conscience insuffisante des enjeux de la part d’une partie de la population. C’est patent pour les internautes en bas débit,voire certains Adsl « bas de gamme » dont les « prétentions » se limitent, pour la plupart, à du « bon Adsl » mais c’est aussi vrai pour les internautes en « bon Adsl » qui ne voient pas nécessairement venir le « gouffre numérique » (écart Adsl/FTTH) !
Des propositions
Sachant que :
-l’objectif déclaré du schéma directeur très haut débit devra être du FTTH pour tous les Lozériens à terme (sauf à prendre le risque de ne plus avoir de réseau fixe de télécommunications !) même si cette perspective parait aujourd’hui lointaine pour certains
-tous les investissements devront donc être inscrits dans une démarche de montée en débit . Cette constatation de bon sens est particulièrement vraie pour la couverture des zones blanches par l’attributaire du PPP régional, France Télécom. La montée en débit est le point de passage obligatoire annoncé par tous ceux qui considèrent que dans les territoires ruraux l'arrivée de la fibre dans le cadre du déploiement du très haut débit FTTH se fera, à défaut localement d'une intervention publique volontariste, à un rythme bien moins soutenu que dans les villes

-en l’état actuel le produit NRAZO que France Télécom utilise pour la couverture des zones blanches ne s’inscrit pas dans cette démarche. Le NRAZO aujourd’hui est un lien cuivre dans la plupart des cas à base de multiplexage de paires ; la fibre serait l'exception (environ 1/3 des cas sur l'Auvergne).Or seule la fibre permet la montée en débit. Limité à 2 mégas le NRAZO cuivre n’autorise pas le triple play
Nous proposons que soient testés en Lozère :

- la solution du déport de signal du NRA (Noeud de raccordement des abonnés ou central téléphonique) vers les sous répartiteurs (existants et à créer). Dans cette solution les DSLAMs restent au NRA d'origine, le dégroupage se faisant à ce niveau , c'est-à-dire en amont des sous répartiteurs, limitant de facto les investissements des opérateurs alternatifs. D’après l’Arcep ce serait apparemment la solution la plus pertinente mais ne serait, semble t-il, pas prête à être commercialisée à grande échelle ...raison de plus pour la tester à petite échelle ...en Lozère ! Cette solution permettrait d’offrir au plus grand nombre les services standards du haut débit (triple play) tout en s’inscrivant dans une démarche naturelle vers le très haut débit
Si la stratégie « fibre » de l’opérateur historique se traduit dans les faits la mutation des NRAZO actuels par NRAZO fibrés ne devrait pas poser de problèmes particuliers. Le discours de Didier Lombard parait encourageant ( Nous n’avons jamais été aussi près du but pour la fibre à la maison ...Il faut assurer la couverture sur tout le territoire. Nous interviendrons dans toutes les géographies et en même temps nous réinventerons les services de demain ». Dont acte ! Reste à proposer la Lozère pour traduire ces intentions en actes !

-les dispositifs spécifiques qui seront, espérons le, votés par le parlement ,qu’il s’agisse des dispositifs de péréquation pour trouver les financements ou de dispositifs de mutualisation . L’égalité d’accès des opérateurs de services à cette « tuyauterie » (pour qu’ils puissent proposer les mêmes services partout) doit en effet être garantie..

►Test d’un dispositif inscrit dans une démarche de montée en débit économique pour les opérateurs alternatifs (pose de Dslam au niveau des centraux et non des sous répartiteurs) d’une part, tests de dispositifs de péréquation et de mutualisation d’autre part ne pourraient ils pas faire de notre département, jusqu’ici territoire « hors concurrence », un territoire rural attractif pour des opérateurs de services ? . Tout le monde y trouverait son compte : les Lozériens qui bénéficieraient enfin d’une concurrence sur les services inédite et les opérateurs qui pourraient, outre une rentabilité directe (hypothétique à court terme ?) capitaliser en termes d’image sur leur présence dans le département symbole de la ruralité !
►Si ces propositions sont recevables toutes les conditions seront réunies pour que la Lozère trouve enfin une vraie visibilité numérique grâce à un FTTH rural généralisé (Fiber To The Hameau) avant l’étape ultime du vrai FTTH qui fournira bientôt aux citadins du 100 mégas symétrique à ceux qui le souhaiteront !
Pierre Ygrié
Webs du Gévaudan
24 nov 2009


Aucun commentaire: